Le volet du voisin claque violemment depuis des heures à chaque rafale de vent. Cet idiot, en vacances jusqu'à la semaine prochaine, a encore oublié de bloquer ses persiennes. Les claquements secs et réguliers du bois sur le mur me rendent dingue. Ca fait Pac Pac ! Pac - silence et puis encore Pac Pac Pac !- Oui, parfois les rafales s'enchainent trés vite ! Je te jure, y a de quoi devenir fou. Pour focaliser mon attention sur autre chose, depuis mon lit je guette tous les bruits complices de ce satané mistral : les boites de conserves échappées de sacs poubelle qui dévalent le long des rues pentues de Samatan dans un concert de ferraille pour se fracasser contre un obstacle avant de reprendre leur course effrénée vers le ventre de la ville ; les claquements des toiles de auvents des terrasses voisines qui battent jusqu'à la violente déchirure, les portières des voitures que les passagers n'ont pas la force de retenir, les pots de fleurs qui se renversent sur les balcons, les scooters assommés, KO sur les trottoirs, les mobiliers de jardin que les propriétaires retrouveront éparpillés aux quatre coins de leur petit paradis et les vagues qui viennent se fendre sur les rochers avant de se noyer dans une mer carrément révoltée. Bref, la ville est en colère depuis trois jours, et moi aussi.
Ras le bol de ce vent ! Il me rend complètement hystérique et ça fait trois jours que ça dure ; si demain le calme n'est pas revenu, nous en serons quittes pour trois jours de plus. Et oui, à Marseille une rumeur affirme que le Mistral c'est un jour, ou trois, ou six ou neuf. Sincèrement, je n'ai jamais vérifié mais il me semble que deux jours consécutifs de mistral, j'ai jamais vu. Alors comme tous mes compatriotes, je crois en cette science populaire et je prie pour que le petit matin nous apporte une mer calme et juste ce qu'il faut de petite bise pour assurer un minimum de fraicheur. Tu ne sais pas ce que c'est que la bourrasque toi ! Tu n'as jamais vu les feux tricolores se balancer tels des culbutos, tu ne peux pas imaginer devoir te tenir aux grilles des jardins pour atteindre ton arret de bus, tu n'as jamais eu à aider une vielle dame à traverser la rue pour éviter qu'elle ne tombe ! Et pourtant, ici à Marseille, c'est presque notre quotidien. Je t'assure que je préfèrerais devoir sortir plus souvent mon parapluie que cette calamité céleste pourtant bien de chez nous. Comme tu peux le constater, je ne suis pas aussi impartiale que ce que tu crois, je sais reconnaitre nos défauts. Prends exemple toi qui te lèves et te couches dans la grisaille d'un ciel franchement peu amical.
Mirabelle Barane aux Editions du Vallon.
ISBN : 978-2-91949-1-001
Prix : 9.00 euros
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